Vous n'avez pas pu passer à côté, Clair Obscur reçoit des critiques dithyrambiques de toutes parts et ce succès a inévitablement attiré ma curiosité. Du coup, je ne peux pas m'empêcher de partager moi aussi mes impressions. Est-ce que ce jeu est à la hauteur de mes espoirs ?

L'émotion
Clair Obscur est un RPG au tour par tour. Je vous laisserai découvrir le pitch, mais en gros, il met en scène une expédition qui part empêcher la fin du monde. Et j'avoue que je ne sais pas trop par quel bout attraper cette review. Démarrons donc parce ce qui fonctionne bien !
Clair Obscur: Expedition 33 m'accroché immédiatement. Le prologue est très efficace et m'a facilement tiré quelques larmes. Il pourrait presque se regarder comme un petit film d'animation. L'univers est original et le jeu possède une patte graphique bien à lui, inspiré par un Paris fantasmé détruit lors d'un cataclysme magique.
D'ailleurs, la réalisation est l'un des points forts du jeu. Les graphismes sont loin d'avoir la "propreté" d'un jeu AAA à gros budget, mais c'est probablement mieux comme ça. En revanche, les personnages sont très expressifs et le design visuel des niveaux est bourré de détails. Il y a un vrai sens de l'esthétique et de la mise en scène. Beaucoup de cadrages ont été pensés pour être "beaux" lors des cinématiques. Et lors des combats, les animations et les effets visuels assurent le spectacle.
Terminons sur les musiques. Elles ont fait beaucoup parler d'elles, à juste titre. Je les trouve peut-être un peu trop lyriques et ça finit par être un peu répétitif à la longue. Les combats les plus simples auraient probablement pu à être accompagnés par des morceaux plus sobres. Toujours est-il que les thèmes sont très marquants et je n'ai aucun doute sur le fait que les musiques aient largement contribué au succès du jeu.

La déception
Après un tel démarrage et un pitch aussi accrocheur, j'avais hâte de découvrir la suite de l'aventure. Mais c'est là que j'ai ressenti les premiers symptômes d'un malaise à venir. Lors de ma première session, j'ai joué durant 4 heures. En m'arrêtant, je me suis rendu compte que je n'étais pas si emballé que ça.
Après le choc du prologue, j'ai eu du mal à percevoir une logique dans l'enchainement des niveaux. J'ai eu l'impression d'avancer sans avoir aucun but à moyen terme, ce qui a fortement fait diminuer mon intérêt. De plus, les nouvelles révélations se font très rares durant la première moitié du jeu. Je trouve que le récit est mal équilibré et toutes les explications surviennent à la fin de l'acte 2 lors d'une longue cinématique. Entre temps, on reste dans le flou pendant très longtemps et on doit se contenter de dialogues obscurs.
Le suspense repose beaucoup sur des non-dits et sur des conversations énigmatiques. Les personnages "qui savent" échangent des phrases qui font systématiquement référence à des éléments qu'on ne connait pas encore. Du coup, on ne comprend jamais vraiment ce qui se passe, ni pourquoi on se bat. Les informations sont toujours très vagues et maintiennent un suspense un peu artificiel.
Après avoir terminé le jeu, je suis à peu près sûr que le twist de l'acte 2 ne plaira pas à tout le monde. Personnellement, il ne m'a pas dérangé et il a plutôt relancé mon intérêt. J'étais en effet content d'avoir enfin un rebondissement. En revanche, il recentre tous les enjeux de l'histoire et il rend inutile une bonne partie des personnages auxquels je m'étais attaché. Je me suis donc senti un peu déconnecté avec ce qui se passait par la suite.

La confusion
À ce sujet, j'ai été déstabilisé, car je n'ai pas trouvé que le jeu était très clair sur le personnage que j'étais censé incarner. Lors de la majorité des déplacements, on peut librement choisir qui est le "leader" d'une simple pression de bouton. Pendant les combats aussi, on peut choisir notre équipe. Mais lors de certaines phases narratives, ce n'est plus le cas, le jeu nous met aux commandes d'un personnage en particulier et les autres deviennent alors de simples PNJ que l'on peut interroger, voire même séduire... J'ai eu l'impression que l'on m'interdisait de m'identifier à d'autres personnes du groupe avec qui j'avais plus d'affinités.
De plus, un des principaux membres est introduit à la fin du premier acte et le jeu tente de créer une relation émotionnelle avec lui, que je n'ai pas ressentie. Il m'a juste profondément agacé et je n'ai jamais réussi à m'y attacher. J'ai l'impression que le fait d'aimer le jeu repose beaucoup sur la capacité du joueur ou de la joueuse à entrer en résonnance avec lui. Pour ma part, je me rend compte qu'il m'est impossible d'apprécier une histoire si je n'en apprécie pas ses protagonistes.
Il faut également accrocher au ton donné, car la thématique de la mort est omniprésente. L'ambiance est toujours très romantique et mélancolique, ponctuée de très rares moments d'humour. Ce n'est pas forcément un défaut, mais ça finit par être monotone et j'ai parfois eu l'impression d'avoir atterri au milieu d'un club de poésie gothique. Un exemple qui m'a marqué : un PNJ nous propose une sorte de joute verbale. Il débute une phrase, et on doit la terminer de la façon la plus poétique possible, à choisir parmi plusieurs propositions. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire lorsque je me suis rendu compte que la bonne réponse était toujours celle qui était liée à la mort.

La frustration
Il reste à parler du gameplay. De ce côté là, on a le droit à des tonnes de combats. Ceux-ci mélangent le tour par tour avec des parades/esquives lorsqu'on est en défense. Et là encore, il y a du bon et du mauvais…
Les combinaisons de sorts, de bonus et d'armes proposés sont très sympas. J'ai beaucoup aimé la liberté proposée, j'avais envie de tester plein de builds et de combinaisons entre les personnages. Le système permet de se faire plaisir en utilisant nos sorts préférés ou alors de casser complètement le jeu pour ceux qui aiment trouver des combos abusés.
Malheureusement, je trouve que le système de parade vient gâcher un peu tout ça. En effet, les ennemis infligent eux aussi des dégâts très importants. Il est possible d'esquiver ou de parer à peu près toutes les attaques, et c'est même indispensable pour s'en sortir. Le souci, c'est que cette mécanique est très polarisante. Une parade permet non seulement d'annuler tous les dégâts adverses, mais elle permet aussi à notre personnage de contre-attaquer gratuitement et elle offre de l'énergie supplémentaire.
En d'autres termes, rater les parades signifie subir des tonnes de dégâts, devoir se soigner, voir gaspiller des tours pour ressusciter des membres de notre équipe. À l'inverse, parer toutes les attaques signifie infliger des tonnes de dégâts en utilisant les techniques les plus couteuses. Du coup, j'ai fini par me rendre compte que mon succès lors des combats reposait plus sur ma capacité à esquiver et parer que sur les builds que je pouvais proposer. C'est d'autant plus vrai que les attaques possèdent un cap de dégâts, nécessitant d'avancer dans le jeu pour avoir le droit d'atteindre notre plein potentiel.

La résignation
Je pense que ce système ne plaira pas à tout le monde, car il repose en grande partie sûr l'apprentissage des patterns. Il n'y a en effet aucun repère pour nous indiquer le bon moment pour parer, aucune indication sonore ni visuelle. De plus, beaucoup d'attaques sont volontairement trompeuses, par leur timing ou leur animation. Le seul moyen d'apprendre est donc de subir ces attaques et de les mémoriser.
Je sais que certains ont adoré ça, mais pour ma part, je ne trouve pas ce système frustrant. D'une part, j'ai eu du mal avec le manque de clarté. On ne sait jamais vraiment si on a appuyé trop tard, trop tôt ou pas du tout. Parfois, on a juste l'impression que "ça ne marche pas". D'autre part, j'adore les jeux qui me donnent la sensation d'être devenu meilleur lorsqu'on les recommence au début. Par exemple, j'ai joué récemment à Rift of the Necrodancer (qui mériterait d'ailleurs son petit article). J'ai galéré durant toute la campagne. Mais après avoir terminé le jeu, les premiers niveaux me paraissaient faciles et j'ai eu la sensation d'avoir progressé.
C'est quelque chose que je trouve très satisfaisant dans les jeux, lorsque ce n'est pas simplement notre personnage qui progresse mais qu'on développe également nos propres compétences. Mais ici, on doit simplement recommencer les combats jusqu'à connaitre toutes les attaques et leur timing. J'ai trouvé ça fatigant et peu satisfaisant. Je n'ai donc pas spécialement cherché à aller plus loin que la fin du jeu. En tout cas je lui ai largement donné sa chance. Je pense que je ne serais pas le seul à qui ce gameplay ne conviendra pas et c'est pour cette raison que je ne recommanderai pas ce jeu à tout le monde, malgré son succès.

La conclusion
Je n'ai pas énormément aimé ce jeu... Mais ne vous méprenez pas : je suis sincèrement ravi que Clair Obscur ait rencontré un tel succès, et je l'écris sans aucune ironie.
Je me réjouis que ce jeu ose proposer une aventure linéaire, plutôt qu'un énième monde ouvert rempli d'objets sans intérêt à ramasser. Qu'il respecte notre temps en offrant une aventure épique en 30 heures, plutôt que de promettre 100 heures de contenu vide. Qu'il contienne des costumes à débloquer, plutôt que de les vendre séparément. Qu'il invente un univers original au lieu de recycler ad nauseam des suites d'une licence à succès. Et je suis heureux que ce jeu soit vendu à moins de 50 euros, au moment précis où de nombreux éditeurs viennent d'annoncer que leurs futurs catalogues de AAA seraient à 80 euros !
Donc, même si Clair Obscur n'a pas été un jeu mémorable pour moi, je suis heureux qu'il l'ait été pour tant d'autres. C'est un bon signal à envoyer aux éditeurs. J'espère qu'il inspirera d'autres studios à oser tenter des projets originaux, avec des ambitions mesurées. C'est le genre de proposition que j'ai envie de voir, bien plus qu'une cinquantième refonte d'un Elder Scrolls.





