9 avril 2024

Hommage à Arx Fatalis

Si on vous demande quel est le jeu de Arkane Studio que vous préférez, j'imagine que beaucoup répondront Dishonored, voire peut-être Prey ou Deathloop. Mais pour ma part, je répondrai sans hésiter Arx Fatalis.

Arx Fatalis est un jeu d'action RPG à la première personne. Il est sorti en 2002 est m'a beaucoup marqué. À tel point que j'y rejoue régulièrement et que je viens de le terminer à nouveau pour écrire cet article. Je trouve que c'est un jeu réellement unique avec des mécaniques assez improbables et qui possède surtout une atmosphère bien à lui.

Commençons par parler du pitch. L'histoire se déroule dans un univers héroïque fantasy assez classique avec des gobelins idiots, des nains qui forgent des métaux rares et des hommes rats fourbes. Pas de bol, un jour, le soleil disparait subitement. En catastrophe, les habitants du coin s'allient pour creuser d'immenses galeries afin de se réfugier du froid. Alors que la surface commence à ressembler au sol lunaire, les différentes races se répartissent à différents étages et reconstruisent au mieux leur domaine dans les souterrains. Puis, la vie reprend son cours plus ou moins normalement, les conflits et les guerres reviennent.

En conséquence, le jeu se déroule intégralement sous terre, ce qui justifie l'exploration de donjons façon Ultima Underwold, dont Arx Fatalis s'est largement inspiré. Par rapport à Morrowind sorti la même année, le monde semble plutôt petit. Mais ce n'est pas un défaut pour moi, je suis toujours heureux lorsque les jeux privilégient la qualité sur la quantité. J'ai mille fois préféré découvrir le système solaire miniature passionnant de Outer Wilds que les quintillions de planètes de No Man's Sky. Et ici c'est la même chose, le terrain de jeu dans Arx Fatalis n'est pas immense, mais il regorge de bonnes idées.

Comme on peut s'y attendre, on commence par visiter des environnements très classiques : des couloirs en pierre et des tunnels creusés dans la terre. Cependant, le jeu ne cède pas à la facilité et les décors se révèlent étonnamment variés, ce qui rend la découverte de nouveaux lieux très intéressante. Chaque race possède un style bien à elle. Ainsi, les humains ont réussi à recréer un château médiéval dans une immense caverne. Les gobelins préfèrent les galeries en pierre peu esthétiques, mais fonctionnelles alors que les puissants trolls sont exploités dans des mines. Les 8 étages proposent des surprises et certains coins sont même très bien cachés.

L'exploration est absolument fascinante, et elle est renforcée par un des meilleurs designs audios que j'ai pu entendre. Le bruit des pas résonne sur le sol et il est différent selon les surfaces et l'armure portée. Le grincement des jambières de plaque est ignoble. Je ne sais pas si c'est fait exprès, mais j'ai préféré me promener avec un pantalon plus léger. En dehors de nos pas, le silence est parfois oppressant. D'autres fois, un cri étrange retentit au loin et on se demande quelles créatures peuvent bien se cacher dans ces galeries apparemment désertes. Mais le plus souvent, c'est le sifflement des bouches d'aération présentent un peu partout qui nous accompagne.

Le son de cette ventilation est probablement l'un des éléments les plus marquants pour les personnes qui ont testé le jeu. Et bien qu'il soit très réussi, c'est avant tout par souci de logique que Arcane Studio en a mis à tous les étages. Arx Fatalis est le genre de jeu qui dispose d'un univers réellement cohérent. Chaque personnage possède un endroit pour dormir, une occupation et même l'accès à des toilettes. Cela peut paraitre futile, mais pour moi c'est très important. Cela signifie que les développeurs ont réfléchi à la façon dont les gens vivaient dans cet univers imaginaire.

Dans la même veine, on pourrait parler de la gestion de la faim. C'est une mécanique assez obscure et il n'y a aucun indicateur. Notre personnage dit parfois "j'ai faim" et finit par perdre de la vie si on ne lui donne pas de nourriture. Mais on n'est pas dans un jeu de survie et manger n'est pas vraiment un souci, car le monde de Arx est rempli de bouffe. Il y en a absolument partout, car les personnages du jeu ont tous un garde-manger à proximité et on peut largement se servir.

On a même le droit à un petit système de craft. Il est par exemple possible de remplir une fiole avec de l'eau et de la mélanger avec de la farine pour créer une pâte. En la posant près d'un feu, celle-ci se transforme en pain. Il est aussi possible de faire cuire des viandes et une quête nous propose d'empoissonner un gâteau. Ce n'est pas Hitman et cela reste hélas une exception, mais je trouve ça amusant qu'un système de création de nourriture assez réussi ne soit utilisé qu'une seule fois dans tout le jeu.

Cependant, tous ces petits détails participent à l'immersion. Le jeu possède un moteur physique et l'exploite autant que possible pour donner à Arx Fatalis un côté très tactile. On peut interagir avec n'importe quel objet et celui-ci a une existence qu'il soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'inventaire. Jetez un fromage par terre et une souris pourra venir le manger. Vous n'avez plus de place dans votre coffre ? Vous pouvez tout aussi bien laisser des armes sur votre lit. D'ailleurs, on se rend vite compte que le meilleur moyen de trier son sac à dos est de vider son contenu sur le sol et de remettre les objets un par un. Dès lors, certains puzzles paraissent évidents. Si on aperçoit une plaque de pression au loin, on peut jeter n'importe quel objet lourd pour appuyer dessus. Et on ne trouve pas seulement des choses intéressantes dans les coffres, il faut aussi penser à fouiller sous les oreillers pour découvrir des clés ou des notes utiles.

Mais Arx Fatalis va plus loin et possède une grande cohérence mécanique. Lorsqu'on donne un objet à quelqu'un dans une quête, il reste dans son inventaire. De même, tous les personnages ont sur eux les clés de leur chambre ou de leur coffre. On peut le vérifier uniquement si on "s'amuse" à les tuer. Quelqu'un vous demande de réaliser une mission en échange d'une relique magique ? Vous pouvez l'attaquer pour sauter une étape. Ce n'est pas très en accord avec la moralité de notre avatar, mais le jeu ne nous en empêchera pas et des missions de plusieurs heures peuvent être évitées si on en a envie. La récompense de quête ne se matérialise pas par hasard, elle existe forcément quelque part.

Et impossible de terminer cet article sans parler du système de magie, qui est lui aussi très expérimental. Chaque sort est composé par des mots que l'on apprend en trouvant des runes. Celles-ci forment même un mini langage. Par exemple, les sorts de renforcement commencent tous par "Mega". Mega-Vitae permet de se soigner, alors que Mega-Movis permet de se déplacer à toute vitesse. À l'inverse, Rhaa-Vitae va affaiblir la cible et Rhaa-Movis va la ralentir. Bien sûr, on utilisera la plupart du temps la boule de feu, dont l'efficacité n'est plus à prouver, mais on peut aussi s'amuser à d'expérimenter avec une grande variété de sorts.

Le gros twist du système de magie, c'est que chaque mot est lié à un symbole que l'on doit écrire avec la souris. Il faut donc littéralement apprendre à les lancer. En cas d'erreur, le sort échoue tout simplement et vous pouvez imaginer que dessiner des runes en plein combat n'est pas idéal. Cependant, avec un peu d'entrainement, on peut incanter des sorts très rapidement et utiliser la magie devient très gratifiant.Il est également possible de mémoriser jusqu'à 3 sorts instantanés pour se préparer en avance. D'une manière générale, Arx Fatalis récompense la planification. Si on souhaite boire des potions facilement, il est indispensable de bien ranger son sac pour les avoir à portée de clic.

Il faut bien avouer que l'interface n'est pas toujours des plus pratiques. Et j'ai bien conscience qu'on pourrait écrire un article tout aussi long que celui-ci pour lister les défauts de Arx Fatalis. Le pire, c'est que certains soucis d'interface ont des solutions cachées dans le jeu. Le meilleur exemple reste celui de la gestion des clés. On se retrouve très rapidement avec des tonnes de clés dans notre inventaire et pour ouvrir une porte verrouillée, il faut les ranger soigneusement ou alors les tester une par une. Pourtant, on trouve assez vite une marchande qui vend un porteclé. Celui-ci nous permet de regrouper toutes les clés en un seul objet et déverrouiller les portes en 2 clics... Pourquoi le porteclé n'est-il pas dans notre sac dès le départ ? Mystère... Mais c'est le genre de compromis qu'il faut accepter pour découvrir un jeu aussi original et aussi fascinant.

Conclusion

Arx Fatalis est vieillot et propose une interface pas toujours intuitive. Pour être honnête, je ne le recommanderai pas à beaucoup de gens. Mais si vous aimez les mécaniques uniques et un peu bancales, alors il est possible que vous l'appréciiez autant que moi.

Ce n'est pas tous les jours qu'on trouve un jeu aussi original avec autant de personnalité. Il possède une place particulière dans ma ludothèque et je tenais à écrire cet article pour lui décerner une médaille d'or bien méritée.

Important :
Si vous comptez y jouer, n'oubliez pas d'installer Arx Libertatis, un patch non officiel absolument indispensable. Il propose des tonnes de corrections de bugs et permet de le lancer le jeu avec les résolutions modernes. Il possède également une détection des mouvements de la souris retravaillée, ce qui vous évitera de vous arracher les cheveux pour incanter des sorts.

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