6 avril 2022

Detroit: Become Human

Je sais que les jeux de Quantic Dream ne sont jamais extraordinaires, mais je suis plutôt client de ce genre de proposition : c'est à la fois divertissant et facile d'accès. C'est un plaisir simple qui équivaut à aller voir un blockbuster au cinéma.

Detroit: Become Human utilise exactement la même formule que les autres jeux du studio. On y dirige alternativement plusieurs protagonistes dans une sorte de grand film interactif. Le gimmick principal consiste à offrir de nombreux choix pouvant influencer la suite des évènements et mener à différentes fins. La majorité du gameplay repose sur des QTE, des séquences d'exploration et des dialogues.

Je pense que j'évoque assez souvent mon opinion sur le sujet, mais pour moi, un jeu qui tente d'imiter le cinéma a échoué à profiter des forces de son média. Je ne vais donc pas vers un produit de chez Quantic Dream avec énormément d'attentes. Tout ce que je demande, c'est qu'il me propose une histoire accrocheuse et un divertissement à gros budget. C'est parfait pour passer quelques soirées de détente, comme on regarderait une petite série.

They took our jobs

Cet "épisode" se déroule dans un univers légèrement futuriste où des robots à l'apparence humaine sont désormais omniprésents. Certains sont utilisés comme domestiques tandis que d'autres font office de main d'œuvre bon marché et infatigable. En conséquence, le chômage a atteint un taux historique, les androïdes sont détestés par certains et maltraités par d'autres. Mais les choses changent lorsque certains commencent à désobéir, voire à se rebeller contre leurs propriétaires, comme s'ils ressentaient des émotions…

Rien qu'en lisant ce résumé, vous aurez peut-être l'impression de voir où va nous emmener le scénario et vous aurez probablement raison. Il y a des tonnes de problèmes dans celui-ci, que je ne listerai pas pour ne pas spoiler. Sachez juste qu'on trouvera au moins un twist pourri et des règles qui changent selon les scènes. Mais face au nombre de choix possibles, j'imagine qu'il est difficile de garder une grande cohérence durant tout le récit.

Ce qui m'amène à ma déception principale : le scénario est très manichéen. Habituellement, ce genre d'oeuvre utilise les androïdes pour nous interroger sur ce que l'on peut considérer comme "vivant" et si l’on jugera un jour qu'une machine est l'équivalent d'un être humain. Detroit: Become Human ne nous laisse pas le choix et part du principe qu'un seul point de vue est "juste" et nous force à l'adopter en s'appuyant sur des analogies douteuses.

Rien de révolutionnaire...

J'adore les jeux qui parviennent à présenter plusieurs points de vus valables sur une problématique, comme Deus Ex: Human Revolution (qui se passe également à Detroit d'ailleurs) l'a si bien réussi. Malheureusement, ce n'est pas le cas dans Detroit: Become Human et il n'est pas possible de prendre parti pour les humains qui se comportent presque tous comme des ordures, voire comme des nazis.

Lorsqu'on parle de machines domestiques, on s'attend à ce quelles soient considérées comme des objets par la plupart des gens, à savoir avec indifférence, un peu comme on regarderait son lave-vaisselle ou son Roomba. Mais Detroit: Become Human tente une audacieuse comparaison et voudrait que l'on se dise que l'oppression des androïdes est similaire à de l'esclavage. Le jeu exploite très largement des images tirées de faits historiques, comme la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains ou les camps de concentration (si...). À aucun moment on ne nous présente plusieurs opinions rationnelles, on se contente de nous manipuler par des scènes qui signifient en substance : "Si tu es contre la libération des machines, c'est que tu es raciste".

À l'inverse, les androïdes ne montrent jamais de faille, ils sont tous gentils et n'utilisent la violence que face à l'oppression ou aux agressions. De plus, je trouve qu'ils ressemblent bien trop à des humains. Ils sont beaux et expressifs, ce qui facilite fortement l'empathie qu'on peut avoir envers eux. Il aurait été bien plus courageux de les présenter avec une apparence bien plus dérangeante, dans la version "sans peau" qu'ils arborent parfois. Ça les aurait immédiatement rendus moins attachants et aurait permis de créer un peu de malaise, car en l'état, il est impossible de ne pas s'identifier à eux.

Après avoir terminé le jeu, je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Est-ce qu'il veut aborder le thème de la conscience chez les machines ? Est-ce qu'il tente d'illustrer une lutte sociale dans un contexte fictif ? David Cage a répondu en interview qu'il ne fallait pas faire de parallèle avec le monde réel. Mais c'est impossible étant donné le nombre de références évidentes qui sont glissées de partout... On ne trouve pas les réflexions philosophiques qui accompagnent la plupart des oeuvres de science-fiction. J'ai juste l'impression que ce jeu est un grand foutoir qui part dans tous les sens et qui mélange un peu tout et au final, aucun des sujets n'est bien traité...

 ∆ Titre ironique

Si le fond est donc décevant, je dois dire que l'histoire m'a pourtant bien tenu en halène, notamment par le grand nombre de décisions à prendre. Hélas, cela vient avec son lot de problèmes, car lorsqu'on propose autant d'embranchements, le récit peut parfois en souffrir. C'est un peu la limite de ce type de narration, il n'est pas garanti que l'ensemble des scènes soient très cohérentes entre elles ou que le rythme soit bien géré.

Pour ma part, j'ai assisté à la mort de personnages que j'avais tenté de sauver durant toute la partie. Ça aurait pu être un passage fort si la scène qui avait suivi n'avait pas été un discours triomphant... Mais devinez quoi ? Ben je n'étais pas vraiment dans l'ambiance et enchainer une séquence déprimante avec une célébration de bataille m'a amené des émotions très désagréables. C'est d'autant renforcer par le fait que l’on comprend que rarement les enjeux de nos choix et que les conséquences apparaissent souvent plus tard et de façon arbitraire. On a également droit à ce fichu système de dialogues, qui nous demande de sélectionner une réponse à partir d'un seul mot. On ne peut jamais savoir si notre phrase va être une question, une accusation, une confession... Du coup on est forcé de décider au pif.

À la fin de chaque chapitre, tous nos choix sont récapitulés et on peut obtenir le pourcentage de joueurs ayant opté pour les mêmes que nous. J'ai beaucoup aimé consulter ces stats bien qu'il peut être frustrant d'apprendre que 80% des personnes ont accompli la même évasion spectaculaire que nous, ce qui m'interroge sur notre liberté réelle. Je n'ai pas tenté de recommencer le jeu pour le vérifier de toute façon. On nous affiche également un score. Je n'ai pas compris à quoi il servait et je trouve ça dommage qu'on nous incite à cliquer sur le maximum d'objets pour le faire augmenter, même lorsque ça va à l'encontre de la narration. Je n'ai pas envie que mon personnage perde son temps à lire la presse lorsqu'il est entrain de fuir la police !

Ceci étant dit, Detroid Become Human est tout de même un spectacle à gros budget et il y a peu de risque qu'il vous déçoive tout à fait. Certes, le gameplay se compose majoritairement de cinématiques agrémentées de QTE trop présents, il réussit à être captivant et à nous tenir en haleine. Je n'ai eu aucun mal à enchainer les soirées dessus et si vous cherchez un jeu narratif qui se consomme sans trop réfléchir, vous pouvez foncer les yeux fermés. Enfin, ouvrez-les en jouant tout de même, car les graphismes sont superbes malgré des designs qui se révèlent un peu trop oubliables.

Conclusion

Je ne crois pas qu'un jeu vidéo du type "film interactif" puisse apporter beaucoup au média… Toutefois, Detroit: Become Human est dans la même lignée que les autres titres de Quantic Dream et c'est peut-être leur meilleur jusqu'ici. Lancez-vous sans avoir trop d'attentes et vous passerez probablement un bon moment.

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